« Si un homme prend une épouse et a consommé le mariage, et il arrive qu’elle ne trouve plus grâce à ses yeux […] il lui écrira un acte de rupture, le lui remettra en mains propres et la renverra de chez lui. »
Deutéronome 24, 1-2
Le divorce dans la Tradition Juive : Le consentement comme fondement
Le judaïsme reconnaît la possibilité du divorce, à condition que les deux époux y consentent. Le divorce est donc fondé, en principe, sur le consentement mutuel.
Historiquement, seul le consentement du mari était requis. Toutefois, cette conception a évolué sous l’impulsion du célèbre sage Rabbénou Guerchom, surnommé la « Lumière de la Diaspora », qui, il y a environ mille ans, a décrété l’interdiction pour un homme de répudier son épouse sans l’accord explicite de celle-ci. Ce décret, toujours en vigueur dans les communautés juives modernes, constitue un fondement essentiel du droit matrimonial juif.
Quelle Juridiction est Compétente pour le Divorce en Israël ?
En Israël, deux types de juridictions sont compétents pour statuer sur les litiges familiaux :
- Le Tribunal aux affaires familiales (juridiction civile),
- Le Tribunal rabbinique (juridiction religieuse).
Toutefois, lorsqu’il s’agit du divorce proprement dit, la compétence est exclusivement dévolue au tribunal rabbinique. Il n’existe pas, en Israël, de « jugement de divorce » au sens civil tel qu’on le connaît dans les systèmes juridiques européens. Le divorce religieux reste incontournable.
La Procédure de Divorce : Le Guet
Le divorce en Israël, selon la loi juive et la législation nationale, repose sur la délivrance d’un guet, acte de divorce écrit en araméen. Il marque la rupture effective du lien conjugal et ne peut être délivré que par le mari, exprimant clairement et librement sa volonté.
La procédure est la suivante :
- Le guet est rédigé à la main par un scribe (sofer), en présence du couple et de deux témoins.
- Le mari remet le guet à sa femme devant le tribunal rabbinique.
- L’épouse doit retirer ses bagues, lever les mains paumes ouvertes pour accepter l’acte.
- Le rabbin plie ensuite le document en quatre et le découpe, rendant son usage ultérieur impossible.
- Le tribunal atteste que la femme est divorcée.
Après une période de 90 jours, l’épouse peut se remarier religieusement. Il est important de noter que tout guet qui n’a pas été rédigé et délivré devant des experts est systématiquement invalidé par la loi rabbinique.
La spécificité du droit israélien réside dans l’impossibilité pour le divorce civil de se substituer au guet religieux. Ainsi, même si les époux sont séparés de fait, et que des procédures civiles sont en cours ou terminées, le mariage reste valide selon la loi juive tant que le guet n’a pas été délivré.
Le refus de Guet : L’Agouna et la problématique du consentement
La loi juive prend également en compte les situations où l’un des conjoints est dans l’incapacité physique ou mentale de consentir au divorce (ex. : démence, mutisme). Ces cas donnent lieu à une réflexion doctrinale approfondie et à des solutions spécifiques.
L’un des cas les plus complexes concerne le refus de délivrance du guet par le mari. En l’absence de cet acte, l’épouse ne peut pas se remarier selon la loi juive et devient une agouna, littéralement « femme ancrée », bloquée dans un mariage juridiquement dissous au civil mais non reconnu comme tel religieusement.
Cette situation est particulièrement lourde de conséquences :
- La polygamie étant interdite, toute relation qu’elle pourrait entretenir avec un autre homme serait considérée comme un adultère.
- Les enfants issus de cette union porteraient le statut de mamzer (bâtard), et seraient dans l’impossibilité de contracter un mariage religieux juif.
En revanche, le mari ne se trouve pas dans la même situation : il peut entamer une relation avec une femme célibataire, veuve ou religieusement divorcée, sans transmettre ce statut à l’enfant.
Face à ce déséquilibre, les autorités rabbiniques israéliennes exercent aujourd’hui une pression croissante sur les maris récalcitrants pour qu’ils consentent au divorce. À défaut, des mesures de coercition légale peuvent être prises, telles que :
- Saisie de biens,
- Interdiction de quitter le territoire,
- Confiscation de passeport,
- Peines pécuniaires ou privatives de liberté.
Il faut noter que ce refus peut aussi émaner de l’épouse, bien que ce soit plus rare. Dans tous les cas, la validité du guet repose sur l’existence de fondements légaux halakhiques : absence de relations conjugales, infidélité, comportements contraires à la Halakha, etc.
Conséquences patrimoniales et parentales du divorce
Les effets secondaires de la séparation (garde des enfants, droit de visite, pension alimentaire, partage des biens) sont traités dans une procédure distincte de celle visant à obtenir le guet.
Cette procédure peut être introduite soit devant le tribunal civil, soit devant le tribunal rabbinique, selon la juridiction saisie en premier, conformément à la logique de la « course aux compétences ».
Dans certains cas, des compensations financières peuvent être accordées à l’épouse encore résidente au domicile conjugal, afin d’aménager la séparation et de faciliter l’obtention du guet.
Concernant les biens immobiliers, ils sont généralement vendus afin de procéder à un partage équitable. Toutefois, des alternatives existent :
- Compensations financières entre époux pour conserver le bien,
- Donation aux enfants, si le bien doit rester dans la famille.
Le divorce des Olim Hadashim originaires de France
Une question récurrente concerne le divorce des olim hadashim — nouveaux immigrants juifs venus de France. Quelle loi s’applique dans ce cas ?
En vertu des conventions internationales et de la loi israélienne sur les relations matrimoniales :
- C’est en principe la loi du premier domicile conjugal qui s’applique.
- Cependant, la durée de résidence du couple en Israël peut jouer un rôle déterminant dans l’analyse de la loi applicable.
De plus, dans les litiges familiaux, le premier des deux époux à saisir l’une des juridictions (civile ou rabbinique) détermine la compétence pour l’ensemble de la procédure. Il est donc essentiel d’être conseillé dès les premières démarches.
« D.ieu qui a prescrit la procédure permettant la fusion de deux âmes a également prescrit la manière dont ces deux âmes peuvent se séparer. »
Notre cabinet accompagne les époux dans toutes les étapes de la procédure de divorce en Israël, qu’elle soit civile ou religieuse. Grâce à notre expertise en droit israélien, droit international privé et droit de la famille, nous sommes en mesure de proposer une stratégie adaptée, humaine et rigoureuse à chaque situation.
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